DOSSIER / INTERVIEWS : Monter son studio de pole dance
- 18 février 2023
- Posted by: Stéphanie Durand
- Category: Non classifié(e)
La pole à ses débuts
La pole dance est arrivée en France dans les années 2000. Au début on pouvait compter les studios sur les doigts d’une main. La première école de pole fut créée par Mariana Baum : « Pole dance Paris ».
La pole était encore tabou à l’époque, on allait prendre des cours « en secret ». Je me souviens encore de mes premiers cours en 2009, je n’osais pas en parler autour de moi au départ et nous étions nombreux dans ce cas.
C’est au fur et à mesure, grâce au développement des compétitions et des spectacles que la pole dance a commencée à se démocratiser. On voit alors se développer de nouvelles écoles en France, au début seulement dans les plus grandes villes puis ensuite un peu partout.
On commence à en parler autour de soi et grâce au bouche à oreille la pole continue à se développer, on en parle aussi dans les médias.
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui la pole dance est reconnue comme une discipline sportive et artistique par la Fédération française de danse, nous comptons le nombre de studios à environ 250 en France, le nombre de pratiquants à 40000.
L’envie d’entreprendre
Le choix de monter son école de pole dance ne se fait pas à la légère car comme toute création d’entreprise cela demande énormément de temps et d’investissement personnel.
Les grands axes :
. Monter un business plan
. Analyser le marché
. Cibler ses clients/élèves
. Trouver son statut juridique
. Organiser / structurer l’entreprise
. Trouver un lieu adéquat
. Lancer des stratégies marketing
. Acheter le matériel
. Définir son budget etc…
On ne se rend pas forcément compte de tout cela au départ mais c’est aussi le début d’une belle aventure.
Pour en savoir plus j’ai été poser des questions à Clémence Aka Paméla Labadi qui a monté son studio “Pam&Polette” à Nantes ainsi qu’à Audrey Lebrun, gérante de l’école “Pole & Motion” à Paris.
Qui est Pam ?
Pam est un peu tout à la fois : costumière, modèle, performeuse burlesque… le travail avec le corps la passionne…
l’envie de reprendre la danse (15 ans de danse classique, moderne et orientale) la pousse à essayer la Pole Dance en 2011, une révélation pour elle ! Le côté sensuel, artistique et le dépassement de soi la séduisent tout de suite. Plus qu’une passion, elle décide de l’ enseigner.
Formée par l’école Pole Dance Paris en 2012 (ensemble des niveaux validés), elle y enseigne pendant 6 ans, ainsi que dans diverses écoles en France et en Belgique pour des cours réguliers ou des stages à thèmes.
En parallèle, elle découvre la contorsion grâce à Nadège Paineau dont elle a suivie et validé la formation professionnelle, ajoutant une nouvelle corde à son arc.
Consciente que la pole dance est sans cesse en mouvement, elle met régulièrement à jour ses compétences;
– Développement de spécificités artistiques avec Keem Martinez (coaching compétitions en 2016 et 2017)
– Formation Pole Exotic niveau 2 en 2016 au studio Françoise.
– Travail Pole Technique avec Selma Marin
Fin 2019, Pam décide de partir vivre à Nantes, un grand changement pour elle mais aussi l’occasion de se lancer, elle décide enfin d’ouvrir un lieu dédié à la Pole Dance et à la Contorsion, un lieu simple, chaleureux avec une touche de folie, un lieu à son image.
Pam, c’est aussi un personnage de scène nommé Mad_Pam, durant plusieurs années elle participe à de nombreuses compétitions « Pole Théatre » (Paris, Switzerland, UK) puis se dirige vers la scène Burlesque, les cabarets ou show de pole avec un public néophyte.
Elle transmet son goût du spectacle à ses élèves avec beaucoup de générosité et met un point d’honneur à ce qu’ils découvrent sans jamais oublier le côté ludique et libérateur de la danse à travers la précision du mouvement.
D’où t’es venue l’envie de monter une école de pole dance ?
Je ne voulais pas devenir gérante de studio à la base, je m’imaginais travailler dans plusieurs studios, en électron libre, le côté administratif ne me plaisait pas et me faisait un peu peur pour être très honnête.
Mais après plusieurs années, plusieurs grosses déceptions dans le sens où on essayait de me faire rentrer dans des cases qui n’étaient pas moi du tout, j’ai eu besoin de créer un lieu où j’allais pouvoir enfin partager la pole à ma façon, avec mes valeurs et sincèrement je ne regrette pas du tout ce choix, je me sens enfin libre.
Est-ce que cela s’est passé comme tu l’avais imaginé ?
Je devais ouvrir en Mars 2020 donc je pense répondre à ta question hahah.
Quelles ont été pour toi les plus grosses difficultés ?
Le COVID a vraiment bousculé le projet, j’ai commencé à lancer mon studio par des cours en ligne donc c’était vraiment pas ce que j’avais prévu… j’ai pu ouvrir seulement en juin 2020 puis fermeture d’octobre 2020 jusqu’en mai 2021…. Je suis vraiment chanceuse d’être encore présente à ce jour.
Le point positif de cette ouverture hors norme c’est qu’un lien vraiment très fort et très singulier s’est crée avec les élèves.
La gestion des travaux a été aussi un vrai casse tête, être derrière les ouvriers, tous les jours, surveiller à 300 % pour être bien sûre que les choses soient faites comme il se doit, je dois bien avouer que ça m’a demandé beaucoup d’énergie aussi.
Si c’était à refaire, que changerais-tu ?
Franchement, rien du tout.
Peux-tu dire que tu en vis correctement ?
J’ai un passé de costumière dans l’audiovisuel où je gagnais très bien ma vie et pourtant j’ai arrêté. Je suis très heureuse et épanouie avec un smic donc oui j’en vis correctement mais clairement si ton objectif de vie c’est de prendre des bains de billets de banque, bon ben non, gérant de studio de pole n’est pas ta destiné !
Penses-tu qu’il soit nécessaire d’avoir une formation certifiée de professeur de pole et qu’il faudrait des protocoles et un encadrement plus strictes pour pouvoir monter son studio ?
C’est un sujet TRÈS délicat. Je pense que c’est important d’avoir baigné un certain temps dans le milieu avant d’ouvrir une structure consacrée à la pole dance, avoir donné des cours est un plus car on voit comment ça se passe aussi de ce côté là mais être gérant c’est totalement différent qu’être professeur.
Pour être professeur de pole c’est bien d’avoir été formé évidemment, maintenant comment et par qui ? J’aime l’idée que les professeurs viennent d’univers différents, de formations différentes, je suis contre le monopole, ça amènerait un côté dictatorial à la pole qui ne me plaît pas du tout.
Qu’il y ait une réglementation me semble important oui mais sans que ça devienne non plus un carcan disciplinaire.
Quels conseils peux-tu donner aux personnes qui souhaitent se lancer ?
De ne pas hésiter à poser des questions aux personnes qui gèrent déjà un studio.
Pour ma Part Audrey, Gérante de Pole&Motion (the place to be à Paris!) a été d’une incroyable générosité et m’a vraiment partagé son expérience, ça m’a énormément aidé et boosté pour sauter le pas !
Des futurs projets ?
Maintenant que le studio est bien lancé, je vais pouvoir me consacrer un peu plus à la création, affaire à suivre.
Pour retrouver Pam&Polette c’est par ici :
//www.pampolette.com/
Insta : @mad_pam_
Maintenant place à la seconde interview, celle d’Audrey Lebrun, gérante du studio Pole&Motion à Paris, aux Lilas très exactement. Audrey fait aussi partie de nos super guests sur Twist On Air.
Qui est Audrey Lebrun ?
Audrey découvre la pole dance en 2010 en regardant par hasard une vidéo des championnats américains 2009 (miss Pole Dance USA). Ce fût la révélation ; le mélange d’acrobaties, de force et de danse l’ont tout de suite transportée.
Elle débute les cours dans une des premières écoles de Paris où elle entreprend une formation pour devenir coach en 2011.
En 2013 elle décide de poursuivre sa formation chez Pole Dance Paris avec Mariana Baum.
En 2014 elle est certifiée « XPERT Pole fitness instructor » niveau 1/2/3/4.
Après avoir enseigné dans de nombreuses écoles, elle décide d’ouvrir Pole & Motion en co-gérance puis en gérance seule depuis 2019.
Forte de dynamisme et de pédagogie, son objectif sera de vous motiver à vous dépasser, progresser et donner le meilleur de vous même tout en prenant du plaisir.
D’où t’es venue l’envie de monter une école de pole dance ?
L’envie est venue dans un premier temps en 2013. L’année où j’ai décidé de m’investir d’avantage dans ma pratique et dans ma formation dans l’enseignement.
Il n’y avait toujours pas d’école de Pole Dance dans le 93, donc je voulais amener à mon département cette activité qui a changé ma vie.
Seulement en 2013, les propriétaires ne voient pas forcément d’un bon œil la pole dance et sont réticents à accorder un droit au bail.
C’est donc 3 ans plus tard que j’ouvre avec mon associée de l’époque. Une amie qui était motivé pour ouvrir la structure avec moi.
Sans elle, je ne suis pas sûre que j’aurai eu le cran de me lancer dans cette aventure. Je suis issue d’une famille d’ouvriers et d’employés, personne n’est entrepreneur et ayant fait des études dans le management d’unité commerciale, les profs n’avaient de cesse de nous dire que les 3 premières années sont décisives, on ne se paye pas les premières années etc.
Du coup dans mon esprit c’était juste impossible car comment vivre si on n’a pas de rentrée d’argent.
Est-ce que cela s’est passé comme tu l’avais imaginé ?
Ça s’est passé mieux que je ne l’imaginais.
Les étoiles étaient alignées.
Sur 2 locaux auxquels nous avions fait la demande pour le bail, les 2 nous accordaient une réponse positive. Il nous suffisait de choisir.
On a trouvé notre comptable par hasard. En parlant dans un restaurant le temps du déjeuner. Notre voisin de table, qui a entendu que l’on cherchait un comptable, nous aborde et nous tend sa carte.
Sa rencontre nous a permis d’accélérer les choses.
Il nous a énormément aidé dans la création du projet, nous a fait un business plan nickel au point que l’on a eu le prêt auprès de la banque hyper facilement.
Quelles ont été pour toi les plus grosses difficultés ?
Les principales difficultés :
1- Trouver un local qui remplit tous les paramètres que l’on souhaitait : une bonne hauteur sous plafond, pas de faux plafond, une bonne localisation, un loyer pas trop élevé.
2- Se mettre d’accord sur la localisation du studio. Mon associée préférait rester à Paris, alors que moi j’étais resté sur mon envie d’ouvrir dans le 93.
Je pense qu’on a trouvé un bon compromis avec la ville des Lilas qui est dans le 93 mais qui est à 2 pas du 20ème et 19ème arrondissement.
3- Créer une clientèle en partant de rien : même si je donnais pas mal de cours avant l’ouverture du studio, l’endroit où on a ouvert ne permettait pas de “récupérer ” un fichier élève, car les studios où je donnais cours étaient très loin. Mais de toute façon notre but était d’avoir des élèves du secteur.
4- Gagner de l’argent en attendant de pouvoir se payer avec l’école. On bossait à côté dans le milieu de la nuit, tout en venant 6jours/7 au studio et donner cours même quand une seule élève était inscrite.
Psychologiquement de travailler beaucoup d’heures, avec peu de sommeil en gagnant peu d’argent c’est pas forcément évident.
5- De ne pas avoir pris en compte certains frais à l’ouverture, ce qui fait que l’on a démarré notre activité à découvert. Ça a mit pas mal de temps du coup avant d’être au moins à 0.
Si c’était à refaire, que changerais-tu ?
- J’évaluerais tous les frais pour emprunter exactement ce qu’il faut pour ne pas être en déficit. Je préfère rembourser un peu plus par mois et commencer dans le positif.
- Je me ferais d’avantage confiance quand il y a des “risques” à prendre. Car ouvrir une structure et rester dans la prudence ne permet pas d’évoluer mais plutôt de stagner et rester dans une zone de confort. Il faut savoir dépenser, investir pour recevoir.
- Je prendrais une petite équipe de prof plus tôt que ce que j’ai fait.
- Je ferais les tarifs en n’oubliant pas d’inclure les 20% de TVA 🤣. Quand on n’est pas entrepreneur de base, on a pas forcément ce réflexe : penser à toutes les taxes que l’on paye sur chacun des cours vendus.
Peux-tu dire que tu en vis correctement ?
Oui je peux dire aujourd’hui que j’en vis correctement. Depuis 2019 je n’ai plus mon associée mais même si elle était restée on peut en vivre à 2 associées correctement. Je ne suis pas gourmande pour le moment dans ce que je me verse car je fais attention et je pense que j’ai le “traumatisme”🤣 des débuts où le compte en banque n’était pas en forme.
Penses-tu qu’il soit nécessaire d’avoir une formation certifiée de professeur de pole et qu’il faudrait des protocoles et un encadrement plus strictes pour pouvoir monter son studio ?
Honnêtement je suis un peu mitigée sur la question, car personnellement je n’ai suivi que des formations de pole dance. Ça fait plus de 10 ans que j’enseigne la pole, j’adore tellement la pédagogie, comprendre l’engagement du corps humain, des muscles qui est spécifique dans la pole dance, que j’estime être une bonne enseignante, qui comprend comment ne pas se blesser en pole. Et ça m’embêterai que demain on m’enlève tout ça car pas de diplôme d’état.
A moins qu’il y ait une VAE. Dans ce cas je serai pour le fait d’avoir suivi un diplôme reconnu par l’état mais spécifique à l’enseignement de la pole dance.
En revanche pour monter un studio, si la personne est seulement gérante et qu’elle ne donne pas de cours, elle n’a pas besoin d’avoir de diplôme spécifique.
Il existe des restaurants qui sont gérés par des entrepreneurs qui n’ont jamais fait de restauration..
Pareil pour plein d’autres domaines.
Gérer et enseigner sont 2 capacités différentes.
Quels conseils peux-tu donner aux personnes qui souhaitent se lancer ?
Les conseils que je peux donner c’est d’oser se lancer !
Le mieux est d’abord de se créer un fichier élève en donnant des cours dans une salle de sport par exemple ou salle de danse déjà existante dans la ville où l’on souhaite s’implanter. Leur proposer les services de cours de Pole.
Si on est pas phobique administratif, il peut être intéressant de commencer en tant qu’association pour avoir la possibilité de demander à la mairie le prêt d’un local.
Une fois le studio créé, ne pas hésiter à prendre des profs. Ça fait une sortie d’argent mais ça permet de proposer un planning plus étoffé et d’accroître ainsi le CA.
Plus il y a de cours plus il y a de rentrée d’argent.
Ça permet également de ne pas donner trop de cours. Car sur un moyen-long terme ça peut entraîner une fatigue physique et donc des blessures et donc des cours qui s’annulent et surtout que le travail de gérant n’est pas que de donner des cours… il faut s’occuper de la gestion administrative, comptable, faire le ménage, être community manager etc. On devient un couteau suisse.
Bien penser à établir un planning réaliste afin de calculer son chiffre d’affaire prévisionnel et de calculer le CA max et le CA minimum, en fonction des prix que l’on applique, du nombre d’élève max et mini par cours, du nombre de cours dans la salle.
Dernier conseil : le faire avec passion mais pas que !
La passion permet de se donner à fond, de ne pas compter ses heures, de ne plus avoir de vie perso sans que ça nous gêne. Mais… il faut savoir travailler intelligemment et pas dépenser son énergie dans le studio H24. 7/7.
Se fixer des heures où on répond aux mails par exemple.
Dire aux élèves de n’envoyer les demandes que par mail pour éviter de se retrouver avec des messages de tous les moyens de communication existants : Instagram, whatsapp, messenger, SMS.
Car il faut dire, ça peut nous faire vite péter un plomb, et ajoute une charge mentale à chaque notification arrivant sur le téléphone.
Au début il n’y aura pas beaucoup de messages car pas beaucoup d’élèves. Donc sur le coup on se dit “ça va c’est rien”. Mais quand le studio commence à atteindre les 150 élèves… on est vite surpris. Donc autant mettre les règles dès le départ et s’y tenir.
Des futurs projets ?
Alors je suis assez superstitieuse donc je préfère les garder pour moi pour le moment 🙂
Pour retrouver toutes les infos sur le studio : //www.poleandmotion.fr/
Instagram : @pole_and_motion
Instagram Audrey : @audreymotion
Pour retrouver les tutoriels d’Audrey sur Twist On Air : //www.twistonair.com/courses/ateliers-special-guests/
Merci à Audrey et Pam pour avoir répondu à mes questions et pour leurs précieux conseils.
J’espère que vous en avez appris d’avantage sur le fait de monter et gérer son propre studio. C’est un long parcours qui demande réflexion avant de se lancer. Bon courage à tous les futurs entrepreneurs !
Stéphanie